La Guichardière point de départ de la « start up » Ecole des Roches en 1899

La Guichardière – Maison des Demolins dès 1891- Ecole des Roches –

Il existe peu de témoignages sur l’hôte de cette maison qui deviendra le lieu de réflexion et de départ d’une aventure qui commencera dès la dernière année du 19 eme siècle pour continuer tout au long du 20 eme siècle et se confirmer en cette fin de deuxième décennie du 21 eme siècle .

La correspondance privée de Paul de Rousiers et Robert Pinot, tous deux chercheurs et rassemblés avec d’autres, autour d’une revue scientifique en 1886, la Science Sociale, dirigée par un certain Edmond Demolins, apporte un éclairage sur la personnalité de ce dernier . Depuis 1874 Edmond Demolins est chercheur et publiciste en science sociale ( au sens de publier des travaux de recherche dans un domaine) au sein des organisations fondées ou patronnées par Frederic Le Play. Ses recherches se traduisant concrètement par ses publications sur celle de l’historique des mouvements des libertés communales au Moyen Age, ou ses enquêtes menées en étudiant la situation d’un chiffonner parisien ou des populations des marais de la Sèvres Niortaise….. Tout un programme !

Edmond Demolins 1842 à Marseille -1907 à Caen – Créateur de l’Ecole des Roches-

En 1881, il crée une société d’édition par actions afin de publier périodiquement une revue : La Réforme Social dont il prend lui même la rédaction en chef.

La ligne éditoriale de la revue est multiple. L’approfondissement de la connaissance des sociétés (humaines) à travers des recherches de fond , sous forme d’enquête ( sociologique) ou historique. Mais aussi de la rendre intelligible à l’aide de « cette » science sociale , des évènement d’actualité sociale et d’assurer le lien au sein de la communauté de chercheurs. En parallèle, il enseigne la science sociale à des disciples, futurs chercheurs et mène ses propres recherches en science sociale.

Des mésententes au sein du mouvement Le Playsien dont dépend la revue , vont mettre en 1885 Edmond Demolins sur la touche, avec la dissolution de la société d’édition. Contre la volonté de la communauté entière , il fonde avec le soutien financier de L’abbé de Tourville, à la source de la crise, une nouvelle revue: La Science Sociale, et par la même relance son enseignement cette fois-ci en toute indépendance. Un pari fou car il fallait tout « remonter » avec presque rien. En 1889, Demolins est face à des difficultés financières avec sa nouvelle revue et par conséquence sur ses propres finances.

C’est justement à cause de ces difficultés financières, pour quitter Paris, qu’ il achète entre mai et septembre 1891, la Guichardière, sur la commue de Pullay aux abords de Verneuil sur Avre dans le département de l’Eure en Normandie . La propriété comporte 7 hectares de terres agricoles, qui doivent dans le calcul de Demolins, participer aux ressources de sa famille en comblant la perte de revenus que ne lui procure plus sa revue. La bâtisse prend le nom dès son achat de Guichardière, en hommage au nom de la rue Guichard à Paris dans le 16 eme arrondissement où habitaient Juliette Demolins sa femme née Lebaudy, et ses parents, lors de leur rencontre qui précède leur mariage en 1882. Pourquoi acheter dans les environs de Verneuil sur Avre ? Juliette Demolins avait posé comme unique condition que cela soit à plus de 100 kilomètres de Paris. Ni plus ni moins.

Edmond Demolins se met donc au vert à la Guichardière, car comme l’écrit son Ami Paul de Rousiers dans sa lettre du 22 septembre 1891 adressée à Robert Pinot  » Dans ce moment, c’est un garçon (Edmond Demolins) qui s’abandonne ». Après le chaos financier de la revue de Demolins qui trouvera son paroxysme à l’automne 1891, c’est avec l’aide et les conseils avisés de P. de Rousiers, qu’une société ( dont l’objet est le développement de l’initiative privée et la vulgarisation de la science sociale) est crée au printemps 1892, pour élargir le lectorat et du même coup les ressources du périodique, La Science Sociale. Cette société trouvera un écho favorable au regard de son nombre conséquent d’adhérents, sauvant ainsi la revue avec l’apport d’un nouveau lectorat plus large, qu’elle lui procure. C’est d’ailleurs parmi ses adhérents que l’on comptera les membres fondateurs historiques de l’Ecole des Roches.

Au printemps 1893, Edmond Demolins va mieux , comme l’écrit P de Rousiers:  » Je lui trouve malgré tout meilleure allure que l’an dernier . Au moins il travaille , il a l’air vivant « 

Et c’est vrai qu’il va mieux sur ses terres normandes à la Guichardière, Edmond Demolins. C’est là où il va écrire tout d’abord en 1893 « comment élever et établir mes enfants » qui sera suivi en 1897 par son best seller qui lui vaudra la parution en de multiples langues, dont le Japonais, et l’audience à Buckingham palace sur invitation de la reine Victoria: « A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons ».

Plaidoyer pour l’éducation anglo-saxonne, ce livre va rencontrer un vif succès qui poussera son auteur, avec la bénédiction de ses amis, dont Paul de Rousiers ( qui présidera le conseil d’administration de l’Ecole à la mort de son ami Edmond), et à la demande de parents lecteurs, à publier à l’automne 1898 le livre « L’Education Nouvelle ». Ce dernier est un recueil préparatoire et annonciateur de l’ouverture de l’Ecole, qui aura lieu à l’automne 1899.

Guichardiere 1909 – Mme Demolins (au centre, à droite de la jeune femme en chemisier blanc) et les pensionnaires de la Maison, 2 ans après le décès de son mari. .

En outre cette correspondance entre P. de Rousiers et R.Pinot qui qualifient de façon bien veillante, Demolins, de « Edmond le Marseillais », car il leur parait souvent emprunt d’initiatives aventureuses, nous en apprend un peu plus sur l’hôte de la Guchardière.

Mais n’est ce pas le propre de l’entrepreneur ?

Le journaliste Henri MAZEL quand à lui, nous éclaire sur l’apparence de Edmond Demolins, dans l’hommage postume qu’il lui rend dans sa revue Le Mercure de France, le 1 er octobre 1907: « Monsieur Edmond Demolins était le type du Français du Midi, courtaud, noiraud, mobile, petits yeux brillants derrière le lorgnon, barbe mal piquée, et, pour achever, une gousse d’accent de la Canebière qui ne laissait aucun doute sur son origine « 

Georges Bertier (1877 -1962) au tout début de l’Ecole des Roches

Un autre témoin nous apporte son éclairage dans son ouvrage publié en 1935 « L’Ecole des Roches » . Celui de Georges Bertier présent sur place à L’Ecole des Roches dès 1902 en tant que professeur aux côtés de Demolins et qui deviendra directeur de l’école, à 25 ans, à la rentrée 1903 pour ne quitter la direction qu’en 1944 après avoir été en même temps chef de Maison du Coteau avec son épouse de 1902 à 1931: « Demolins était une personnalité originale et puissante. Au physique, un homme petit, musclé, le dos légèrement voûté, le front haut, le nez arqué, à l’orientale (il était d’origine arménienne par son père. Quelques négociants arméniens entre le 14eme et le 17 eme siècle se sont installés à Marseille) et libanaise par sa mère. A l’exemple de Reddie, le fondateur de l’école D’Abbotsholme, Demolins vient dans l’Ecole chaque jour, sur la tête une casquette. Il veut connaître tout et tous dans son Ecole, il s’informe directement et se fait aussi informer de chaque chose et de chacun. Il reçoit ses visiteurs dans le bureau de la Guichardière où s’entassent les revues et les livres envoyés à la science sociale (sa revue). Il pose sur eux ce regard inquisiteur qui perce en vrille jusqu’au fond de l’âme. Puis, sans attendre leurs questions, il les interroge, tourne et retourne leurs souvenirs, orientant toujours la conversation vers la science sociale et les rapports qu’elle peut avoir avec les connaissances et l’expérience du nouveau venu. M. Desmolins n’était pas musicien, mais je l’ai entendu parler-non, faire parler – Vincent d’Indy ( 1851-1931, compositeur Français et enseignant prolifique. Un des créateur de la Schola Cantorum de Paris.) pendant des heures sur l’histoire sociale de la musique et les caractères saillants des grands musiciens et des peuples, caractères variables suivant le milieu et le travail.

Vincent d’Indy ( 1851-1931)
Compositeur Français, enseignant à l’Ecole des Roches .
Un des créateur de la Schola Cantorum de Paris

Son cours ( celui d’Edmond Demolins) de science sociale s’adressait à ces élèves de la section spéciale ( ne passaient pas le BAC volontairement en droite ligne avec l’essence originelle de L’Ecole) qui se préparaient à entrer directement dans le commerce, l’agriculture et l’industrie et auxquels il s’intéressait plus qu’à tous autres. Il avait l’art de faire travailler ses jeunes disciples et d’ailleurs payait d’exemple. Ses conférences n’étaient ni éloquentes ni ciselées et vernies mais suggestives et piquantes. Je citerais, en particulier, une causerie sur les Bulgares qui était un petit chef-d’œuvre à la fois de conviction vigoureuse et d’humour. Dans un tout autre genre, mais où l’humour se retrouvait, Demolins présenta avec beaucoup d’esprit le premier « salon » des Roches. Il monta sur une table, en pleine salle des Fêtes et fit, de l’art et de l’action de nos professeurs de dessin, un portrait piquant et d’ailleurs affectueux.

Georges Bertier de 1902 à 1944
Directeur de l’Ecole des Roches,
Chef de Maison du Coteau,
professeur

Si au premier temps de l’Ecole, il s’occupait avec minutie de chaque chose, il fit confiance à son très jeune directeur (Georges Bertier) et lui laissa la bride sur le cou. Il habitait tout près de moi et jamais je ne me suis senti plus libre que sous sa paternelle présidence. Il aimait à me redire: « j’organise ici toutes les choses en prévision de ma mort; il faut que , moi vivant, tout marche autour de moi comme si je n’étais plus là ».Combien de chefs sont capables d’un tel courage et d’un tel désintéressement ? ( S’interroge Georges Bertier dans sou ouvrage ) « 

La Guichardière deviendra dès octobre 1902, une des Maisons de l’Ecole des Roches où M et Mme Demolins joueront le rôle de chef et de maitresse de Maison. Après la mort soudaine de son mari à l’été 1907, Mme julette Desmolins restera de très nombreuses années maitresse de maison de la Guichardère, qui sera rachetée par l’Ecole en 1921 quand en raison de son grand âge , elle cessera de l’être . Mme Demolins survivra de très nombreuses années à son mari et décèdera en 1941.

Mme Juliette Demolins, portant le deuil intégral,
à la fin des années 1920 à la Fête de l’Ecole

La Guichardière prendra le nom de La Guiche dans les années 1970, lorsqu’elle sera scindée en deux Maisons au sein de l’Ecole des Roches avec la création des Fougères. Ce qui perdure en cette année de Jubilé des 120 ans de la création de l’Ecole . ( présentation et explications de Nathalie Duval sur les différentes écoles de la science sociale auxquelles a participé Edmond Demolins)

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Résurrection du Cinéma Théâtre « le Normandy »

Construit en 1933 au Havre, « La capacité totale de la salle est d’environ 1200 personnes à l’ouverture en 1934, dans la salle c’est 586 places en fauteuils, 106 places en strapontins au bout des allées soit 688 places en tout. Dans les gradins c’est 373 fauteuils, 43 strapontins, 60 fauteuils en loges pour un total de 476 places.

 

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Il était une fois …. Domusbook


Les, la, notre Maison.

Le terme DOMUS est très ancien. Il remonte à une étymologie indo-européenne (*dom-) qui désignait la famille sur deux générations, et tire son origine de la racine –dem-, construire.

La Domus est donc la maison familiale romaine, dont le chef de famille porte le nom de Dominus.

Le Domusbook est un programme d’organisation en réseau de nos maisons leur permettant de devenir communicantes au gré de nos envies. Ainsi la mémoire familiale sera préservée en son sein, complétée et mise à jour dès que chacun des membres du réseau Domusbook en aura l’envie, la nécessité impérieuse face au temps qui passe….. Comme l’écrit Guy Kemlin (Nais 1922-2016 – Vallon 1930-1937- X 39 – chevalier de la Légion d’honneur- croix de guerre 1939-1945 – médaille des évadés,) en préambule de ses « souvenirs de 1939-1945 »: A nos enfants, à leurs enfants et ainsi de suite…. »

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L’Hotel de Cabre , plus vieil immeuble Marseillais

 

L'Hotel de Cabre  édifié en 1535 à Marseille

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L’Hotel de Cabre, édifié en 1535, classé en 1941, a échappé à la destruction par les allemands du quartier du Vieux Port en 1943. 

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10 immeubles parisiens habités d’histoire de personnages connus

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La maison Francaise qui a préfiguré la maison Quebecoise

Sur l’ile d’Orléans au Quebec, une des dernières maisons du 18 eme siècle construit par les colons francais et qui ont préfiguré et inpiré le style des maisons québécoises. http://Explications en image en cliquant ici.

Le Vieux Colombier à Verneuil sur Avre

Au 578 rue de la Madeleine à Verneuil sur Avre (27130) habitaient des élèves de l’Ecole des Roches… quand  malgré les différentes et nombreuses Maisons que comptait l’Ecole,  les Roches ne suffisait pas y à loger l’ensemble de ses élèves, tous pensionnaires. La suite P2…

 

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